Dans une Somalie démembrée, livrée au chaos, les Shebab islamistes achèvent un pays à l’agonie assassiné par Washington et ses complices, ONU, NATO et cie …
PCN-SPO / Focus / 2013 03 18 /
Focus : Le fait du jour décrypté par Luc MICHEL
pour le Service de Presse du PCN / PCN-SPO
Lu dans LIBERATION (Paris)
Ce 18 mars 2013
« Au moins dix personnes ont été tuées lundi par une attaque suicide à la voiture piégée dans le centre de Mogadiscio, selon le gouvernement somalien, un attentat revendiqué par les insurgés islamistes shebab, le plus meurtrier depuis septembre dans la capitale. »
# Voici donc des nouvelles d’un état disparu qui a servi de laboratoire à l’impérialisme mercantile américain – il faut cesser de qualifier stupidement d’ « empire » la thalassocratie marchande américaine qui n’est que la nouvelle Carthage (*) – pour concevoir son projet de Nouvel Ordre en Afrique et au « Grand Moyen-Orient ».
Qui se souvient aujourd’hui de l’Etat somalien en développement du régime socialiste de Siyaad Barre ?
I /
En octobre 1969, un Conseil révolutionnaire suprême (CRS), dirigé par les généraux Salad Gabeire Kediye et Mohamed Siyaad Barre, pren,d le pouvoir à Mogadiscio. Le CRS entend bâtir un nouveau régime et surtout un véritable état, qui mettrait fin au tribalisme, au népotisme et à la corruption. Aligné sur l'URSS, le gouvernement somalien lance des plans de réorganisation du territoire et d'alphabétisation de la population. Des cours nationales de sécurité sont instituées et opèrent en dehors du système judiciaire civil corrompu. En juin 1976, le CRS est dissous et un parti unique, le « Parti révolutionnaire socialiste somali », est créé.
Comme dans l’Afghanistan socialiste, allié à l’URSS, la gangue du destin clanique et tribal est brisée. Le destin de
Première fissure, la guerre avec le voisin éthiopien.
En 1977 et 1978, la guerre de l'Ogaden, qui oppose
Affaibli sur les plans diplomatique et économique, le régime de Siyaad Barre perd son assise sociale. À la fin des années 1980, des mouvements de rébellion, habilement manipulés par Washington, voient le jour et prennent le contrôle d'une partie du territoire. Le 26 janvier 1991, Siyaad Barre doit fuir sa capitale.
Deuxième faille, la guerre civile somalienne, qui amorce le démembrement du pays.
En mai 1991, le nord du pays, où l’ethnie Issak sont majoritaires, déclara son indépendance sous le nom de « Somaliland ». De facto indépendant, il ne fut reconnu par aucun gouvernement étranger. Le successeur de Siad Barre, Ali Mahdi Muhammad (janvier-novembre 1991) n'arrive pas à s'imposer sur l'ensemble du territoire, déchiré entre les seigneurs de guerre et les différents clans somalis.
Troisième brisure, l’intervention étrangère, ONU et USA, qui provoque le démembrement total.
En avril
De nombreux Somalis étaient hostiles à une présence étrangère. En octobre 1993, après l'arrestation par les forces spéciales américaines de proches de Mohamed Farrah Aidid, le leader du « Congrès de
L'Opération Restore Hope est officiellement un fiasco. Mais dans la pratique, c’est la « théorie géostratégique du chaos » qui est mise en place pour la première fois.
Au nord-est, le « Puntland » se déclara à son tour indépendant en 1998, déclarant « qu’il participerait à tout effort de réconciliation visant à reformer un pouvoir central » (sic). Le « Jubaland » fit à son tour sécession la même année. Il est actuellement englobé dans la « Somalie du sud-ouest ».
MILICES ET SEIGNEURS DE GUERRE :
ECLATEMENT ET PRIVATISATION DU DEFUNT ETAT SOMALIEN
Après le départ des troupes de l'ONU en 1995, la guerre civile en Somalie a progressivement décliné, avec l'arrêt de la plupart des conflits entre clans et l'apparition d'accords maffieux entre les divers groupes armés. « Diverses milices se sont reconverties en agences de sécurité privées occupant des territoires délimités parfois à quelques quartiers de villes. La paix n’a pas été rétablie (…) Depuis la fin des années 1990,
Ces factions armées, qui prospèrent de la piraterie et des trafics, dont celui de
En octobre 2004, le « Parlement fédéral de transition de
L’EMERGENCE DES ISLAMISTES SUR FOND D’INTERVENTION ETRANGERE
De ce chaos vont émerger les islamistes, « Tribunaux islamiques » et ensuite milices Shebab (« les jeunes », qui sera aussi le nom des premières milices du CNT à Benghazi en Libye, en février-mars 2011). Une situation qui rappelle aussi l’Afghanistan des Talibans.
En juin 2006, les affrontements entre les membres de « l'Alliance pour la restauration de la paix et contre le terrorisme » (ARPCT), « une alliance entre des chefs de guerre et le gouvernement fédéral de transition », soutenu par Washington, et l' « Union des tribunaux islamiques », soutenus par de nombreux entrepreneurs de la capitale – islamisme et business sont inséparables -, ont vu la victoire de ces derniers pour le contrôle de Mogadiscio. Le nouveau régime est soutenu par l'Érythrée, l'Iran et divers pays arabes, tandis que le gouvernement fédéral de transition, replié sur Baidoa, bénéficie de l'appui militaire de l'Éthiopie.
« Le rétablissement de l'ordre se fait au nom de la seule structure législative stable et consensuelle du pays, la jurisprudence chaféite ». Le chaféisme , parfois orthographié shafiisme ou chafiisme , est l'une des quatre écoles de jurisprudence de l' islam sunnite. Parmi ces tribunaux islamiques, le plus important, celui de Mogadiscio, sert de pouvoir judiciaire (civil et pénal), en jugeant les affaires en appliquant la charia.
Depuis 2006, les voisins de
En janvier 2007, les États-Unis interviennent dans le sud de
Les troupes éthiopiennes commencent officiellement à se retirer de Somalie. Peu fréquent auparavant, les attentats-suicides se multiplient …
En décembre 2008, le président Abdullahi Yusuf Ahmed démissionne. Le Parlement, « réuni à Djibouti en raison du désordre en Somalie », élit alors le cheikh Sharif Ahmed, ancien dirigeant de l'Union des tribunaux islamiques, à la présidence de
« Dès février 2009, divers groupes islamistes fusionnèrent au sein du Hizbul Islam et déclarèrent la guerre au gouvernement modéré de Sharif Ahmed. Cette coalition inclut « l'Alliance pour la nouvelle libération de
Cette nouvelle coalition islamiste est, avec le groupe al-Shabaab, la plus active dans le conflit. « De plus, en mars 2009, Ben Laden appelait dans un enregistrement au renversement de Sharif Ahmed ».
AL-SHABAAB : VOILA L’ISLAMISME RADICAL
Al-Shabbaab – ou les Shebab, « les jeunes » – « est un groupe islamiste somalien issu de la fraction la plus dure de l'Union des tribunaux islamiques, qui milite pour l'instauration de la charia et s'est déclaré en 2009 en guerre contre le gouvernement de Sharif Ahmed », qui paraît « modéré (sic) à côté d’eux. « C'est l'une des deux grandes organisations islamistes somaliennes, avec le Hezb al-Islamiya du cheikh Hassan Dahir Aweys ». L'organisation est placée sur la liste officielle des organisations terroristes des Etats-Unis depuis 2008. Les Shebab sont liés à al-Qaida et des cadres du Réseau de Ben Laden sont soupçonnés d’avoir rejoint
Les Shebab obtiennent une grande victoire militaire lors de la bataille de Kismayo, en août 2008, reprenant le port, qui est situé près du Kenya et est la troisième ville du pays, à un chef de guerre, l'ex-ministre Barre Adan Shire Hiiraale. Sur un scénario qui rappelle une fois encore l’émergence des Talibans en Afghanistan, « après avoir pris contrôle de Kismayo, ils ont désarmé les milices locales afin de rétablir l'ordre. Parallèlement, ils instauraient la charia dans sa version la plus radicale, y compris pénale (lapidation d'une adolescente de 13 ans, coups de fouet pour des femmes portant des soutien-gorges9 et pour hommes ayant fumé du haschisch. Ils y ont aussi détruit des sites religieux (chrétiens et soufis) … Comme dans
Fin 2008, les Shebab contrôlent la majeure partie du sud de
« En octobre
II / ACTUALITE DU CHAOS SOMALIEN
Et nous voilà revenus au cœur de l’actualité.
Ce 18 mars 2013, Libération (Paris) nous informait qu’« Au moins dix personnes ont été tuées lundi par une attaque suicide à la voiture piégée dans le centre de Mogadiscio, selon le gouvernement somalien, un attentat revendiqué par les insurgés islamistes shebab, le plus meurtrier depuis septembre dans la capitale. »
AU MOINS DIX MORTS DANS UN ATTENTAT SUICIDE DES SHEBAB A MOGADISCIO
Le terrorisme aveugle, celui des kamikazes et des attentats-suicide est en effet la première réponse des Shebab à leur défaite militaire sur le terrain classique.
Selon des sources sécuritaires ayant requis l’anonymat, « le chef régional des services somaliens de renseignement, Khalif Ahmed Ereg, était visé par l’attentat et a été blessé. Aucune confirmation officielle n’a pu être obtenue ».
«L’attentat suicide a été perpétré près du Théâtre national dans le quartier d’Hamarweyne de la capitale quand un kamikaze au volant d’une voiture a percuté un minibus» de transport collectif et «au moins dix personnes ont été tuées et 15 blessées», a indiqué le cabinet du Premier ministre somalien, Abdi Farah Shirdon, dans un communiqué. Le texte ne fait aucune mention de Khalif Ahmed Ereg.
«Le mouvement Shebab est responsable de l’organisation de l’attaque contre le mécréant Khalif Ereg» contre lequel «un saint a commis l’acte sacrificiel», a affirmé à l’AFP Ali Mohamud Rage, porte-parole des insurgés islamistes. «Les attaques contre ce type d’individus continueront jusqu’à ce qu’ils soient éliminés du territoire sacré de Somalie», a poursuivi le porte-parole, l’accusant d’avoir «les mains tâchées du sang du peuple» somalien.
Selon un témoin, Hassan Salad, une partie des victimes se trouvait dans le «minibus touché par l’explosion». «Il y a de la fumée et des corps éparpillés sur les lieux» de l’explosion, a-t-il raconté à l’AFP. Des images prises par un photographe de l’AFP montrent « un châssis carbonisé, dernier vestige d’un véhicule totalement détruit, à côté d’un minibus enflammé, le tout dégageant une épaisse fumée noire. De nombreux débris parsemaient la chaussée. L’explosion a apparemment sérieusement touché un restaurant devant laquelle elle s’est produite ».
Les shebab ont multiplié les actions de guérilla et les attentats, notamment à Mogadiscio, depuis qu’ils ont été chassés en août 2011 de la capitale par une force de l’Union africaine (Amisom). Ils ont depuis essuyé une série ininterrompue de revers militaires et ont dû abandonner progressivement la totalité de leurs bastions du sud et du centre somaliens à l’Amisom et à un contingent éthiopien, entré en novembre 2011 en Somalie.
Des combattants shebab ont néanmoins repris sans combat ce dimanche la ville de Hudur, capitale de la province de Bakool, à environ
L’attentat de lundi est le plus meurtrier dans la capitale somalienne depuis celui perpétré en septembre par deux kamikazes dans un restaurant situé en face du Théâtre national, tuant 18 personnes. Le Théâtre national de Mogadiscio avait lui-même été visé début avril 2012 par un attentat qui avait fait six morts, pendant une cérémonie officielle à laquelle participait le gotha du gouvernement somalien. Fermé durant 20 ans en raison de la guerre civile dans le pays, le Théâtre national avait rouvert un mois plus tôt. Le dernier attentat à Mogadiscio remonte au 1er mars et a fait au moins trois morts. Un kamikaze avait déclenché les explosifs qu’il portait sur lui devant un restaurant du front de mer fréquenté de la capitale, tuant les deux gardes l’ayant empêché d’entrer. Une voiture piégée avait ensuite explosé, tuant une personne supplémentaire.
LES ISLAMISTES SHEBAB REPRENNENT UNE VILLE DANS LE SUD
Les rebelles islamistes shebab, liés à Al-Qaïda, sont donc repassés à l'offensive en Somalie et ont repris dimanche matin une ville du sud du pays, a-t-on appris de sources concordantes, quelques heures après le départ des troupes éthiopiennes qui tenaient la ville depuis fin 2011.
Les forces gouvernementales somaliennes et milices alliées ont suivi le contingent éthiopien, laissant le champ libre aux insurgés et poussant environ 2.000 habitants à fuir la ville. Les raisons du départ des soldats éthiopiens de Hudur n’étaient pas connues dans l’immédiat.
Les shebab ont d’après des témoins également pris le village d’Awdinle, à
Des combattants shebab lourdement armés ont donc pris sans combat la ville de Hudur, capitale de la province de Bakool, à environ
La prise de Hudur, une capitale provinciale, est la première victoire d'envergure pour les shebab, qui ont essuyé revers sur revers ces derniers mois et n'ont cessé de céder du terrain face aux 17.000 hommes de
Le retour offensif des Shebab, que les médias occidentaux affirmaient « en déroute », est une leçon que devraient méditer les généraux français de l’OTAN engagés dans le bourbier malien …
LM
(*)
Je peste souvent contre cette absurdité historique et géopolitique sans nom ! Beaucoup d’écrivains aujourd’hui à l’extrême-gauche commettent un contresens de même nature que celui des Spartakistes allemands en 1916-19, se déclarant « spartakistes », et qui relève de la même erreur d’analyse sur l’Empire romain. Parce qu’ils ne connaissent mal l’Histoire et la géopolitique. Et parce que le Gauchisme développe, singulièrement depuis Mai 1968 en France, Italie ou Belgique, un discours anti-étatique et anti-jacobin. Notamment, des gens comme l’idéologue italien Toni NEGRI, qui parlent des Etats-Unis comme « d’un nouvel Empire romain » (sic). Contresens copié-collé de chez les Altermondialistes par certains idéologues néofascistes ou pro islamistes français et italiens.
Les Américains, c’est Carthage !!! Avec l’impérialisme carthaginois, ils partagent le recours à des armées de mercenaires, la domination par une oligarchie, non pas politique, mais économique et une vision qui consiste non pas à diffuser une culture, mais à piller la planète.
Cela n’a rien de nouveau. Dès 1967, THIRIART pouvait déjà s’emporter: « Nous avons lu, sous la plume d’un journaliste du régime, que les Etats-Unis semblaient devenir la « nouvelle Rome ». C’est là un échantillon de l’inculture historique – crasse –. Les Etats-Unis sont essentiellement un Empire maritime, comme le fut longtemps l’Angleterre, comme tenta de l’être le Japon, entre Tsushima et Hiroshima. Le modèle parfait d’empire maritime demeure Carthage et le modèle parfait d’Empire continental reste Rome »
Sur ce sujet capital, Jean THIRIART écrivait encore (« USA : un empire de mercantis. Carthago delenda est »,
Les révolutionnaires allemands Karl LIEBKNECHT et Rosa LUXEMBOURG – dont LENINE jugeait les vues étroites et qui ont politiquement échoué là où les Bolchéviques ont triomphé – ont eu une vision historique complètement faussée en choisissant Spartacus et
« Il est plus que probable que le XXIème siècle verra se dérouler une lutte de géants entre
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Une femme sur les lieux de l'explosion d'une voiture piégée dans le centre de Mogadiscio, le 18 mars 2013 (Photo Mohamed Abdiwahab. AFP)