PCN-SPO / Focus / 2013 11 18/
Focus : Le fait du jour décrypté par Luc MICHEL
pour le Service de Presse du PCN / PCN-SPO
"Nous voulons une armée, nous voulons une police"
– La foule à Tripoli ce 15 novembre.
Lu sur le Fil de l’AFP (Paris)
Ce 16 novembre 2013 :
"Les Tripolitains protestent régulièrement contre la présence des milices armées -notamment celles venant d'autres régions-, qui avaient participé aux combats à Tripoli (…) mais étaient restées dans la capitale. Ces groupes d'ex-rebelles sont accusés de s'adonner à toutes sortes de trafics et de pratiquer tortures, enlèvements et détentions arbitraires au secret"…
# Le numéro 2 des (nouveaux) services du renseignement libyens, Moustapha Nouh, a été enlevé ce dimanche par des inconnus à Tripoli, a annoncé un responsable de la sécurité. "Le vice-président des renseignements a été enlevé peu après son retour à Tripoli d'un voyage à l'étranger", a déclaré ce responsable. La chaîne privée Libya al-Ahrar a annoncé l'enlèvement de M. Nouh citant des sources concordantes.
L'enlèvement de M. Nouh qui est originaire de la ville de Misrata intervient sur fond de tensions entre milices armées de Misrata et de Tripoli au lendemain d'affrontements meurtriers entre ces deux groupes. Ces violences avaient éclaté vendredi quand une milice originaire de Misrata, installée dans le quartier de Gharghour dans le sud de Tripoli, avait tiré à l’arme lourde sur des manifestants pacifiques venus réclamer son départ de la capitale. En représailles, des hommes armés ont attaqué le QG de cette milice, au prix d'affrontements qui ont fait au moins 50 morts et plus de 450 blessés, selon le ministère de
LA « DEKADHAFISATION » …
Ce que ne vous disent pas les médias de l’OTAN c’est la cause de ce chaos et son explication.
Après la destruction de
Tout le système étatique – les cadres de
Le CNT et ses maîtres de l’OTAN ont du alors remplir le vide. Le soi-disant « nouveau système sécuritaire libyen » (sic) résulte de ce compromis entre les seigneurs de guerre des katibas du CNT, les armées privées créées par l’OTAN notamment à Zintan et Misrata, les djihadistes des factions islamistes liées à al-Qaida ralliés au CNT, les mercenaires « libyens » de
ETAT DES LIEUX DU CHAOS MILITAIRE ET SECURITAIRE LIBYEN
Quelles sont donc les détenteurs de la force militaire en Libye :
* Une mini « nouvelle armée libyenne » – armée croupion néocoloniale – a été créée pour appuyer les forces libérales pro occidentales, dirigées par deux agents de
Le chef véritable de la pseudo Armée libyenne est le « général » Hifter, lui aussi agent de
* A cela s’ajoute police civile non armée (comme sous Kadhafi) et police militaire faiblement armée. Qui ne font pas le poids face aux armes lourdes et aux blindés des milices privées.
* Un nombre important de mercenaires occidentaux, comme en Irak et en Afghanistan, appuient cet embryon d’armée. Assurant notamment la sécurité des membres du gouvernement. Regardez les photos de Megaryeff ou Hifter. Leurs garde de ‘chiens de guerre’ est toujours présente. Ces « contractuels », comme on dit pudiquement à l’OTAN et à
Viennent ensuite les principales armées privées :
* Celles des villes autonomes, aux mains des islamistes, de Misrata (ville portuaire et fief islamiste à environ
* Il y a aussi et surtout le parti al-Watan. Etat islamiste armé dans le non-état croupion libyen installé par l’OTAN. C’est le parti islamiste radical d’Abdelhakim Belhadj. Grand perdant des élections (de juillet 2012), tant il a terrorisé les Libyens, il est pourtant la seule force politico-militaire réelle, structurée. Financé par le Qatar, soutenu par certains réseaux français proches de Sarkozy, il attend son heure. Certains à l’OTAN ont peut-être cru le neutraliser en lui confiant le commandement opérationnel en novembre 2011 de la soi-disant « Armée Syrienne Libre ». Ce fut une erreur. Car on y a renforcé ses réseaux, y compris par le contrôle des camps d’entraînement de l’ASL installés par l’OTAN en Libye. Et on a aguerri ses troupes. » Abdelhakim Belhadj, ex-compagnon de Ben Laden et un temps gouverneur de Tripoli par la grâce de l’OTAN, de Sarkozy et de Juppé, et son bras droit Mahdi al-Harati, ex-commandant de la « brigade de Tripoli » pendant la guerre civile libyenne et ex-numéro 2 du « conseil militaire révolutionnaire » dans la capitale libyenne, attendent leur heure.
* A L’Est près de Benghazi on trouve l’armée privée de l’ex général félon Younes, dirigée par ses fils. Younes, qui roulait pour les services secrets britanniques, rival de Hifter à la direction militaire du CNT, a été assassiné fin juillet 2011 lors d’un complot tramé par Habdelhakin Belhadj et Mustapha Abdeljalil (le chef du CNT, inculpé et en fuite en 2012). Son armée privée, issue d’éléments des ex forces jamahiryennes qui l’ont suivi lors de sa défection et des milices issues de sa tribu d’origine, appuie les forces « fédéralistes » de Cyrénaique proches du cousin du roi Idriss Senoussi renversé en 1969 par Kadhafi. Ce qui n’est pas étonnant puisque les Senoussi, Younes et les pseudo « féféralistes » sont tous des ‘protégés’ des services britanniques.
* A Tripoli existent aussi des milices locales, comme
* A Zlitane, autre ville côtière entre Misrata et Tripoli, une autre ville autonome avec une puissante milice islamiste. Là aussi organisée par les Français en 2011.
* A Benghazi, la milice du «Bouclier de
* Plus à l’Est encore, à Derna, le fief des islamistes radicaux, une autre armée privée. Dont on parle peu en raison de son éloignement.
Et ce n’est pas fini :
* A cela s’ajoutent encore des organisations et des forces spéciales privées. Comme la « Cellule des opérations des révolutionnaires de Libye » (sic), dépendant officieusement des ministères de l'Intérieur et de
* De moindre force existent de nombreuses milices locales – comme les milices municipales de Sebah ou de Bani Walid, que l’on dit restées crypto kadhafistes -, des milices de tribus, des gangs armés.
* Et c’est sans fin : encore des milices salafistes, les réseaux d’Al-Qaida et d’Aqmi, qui ont leurs bases en toute impunité dans le sud libyen … « de nombreuses milices se sont constituées sur une base régionale, comme celle de Misrata ou sur des bases idéologiques comme c'est le cas pour les salafistes d'Ansar al-Chariaa » commente l’AFP.
AL-QAIDA ATTEND SON HEURE
Profitant de l’anarchie sécuritaire, des groupes se revendiquant de l’idéologie d’Al-Qaïda prolifèrent en Libye. Comme Kadhafi l’avait tristement annoncé !
Réprimés sous le régime de Mouammar Kadhafi, les islamistes ont fui le pays dans les années 1990 pour s’installer en Afghanistan ou en Irak, où certains se sont affiliés au réseau Al-Qaïda. Plusieurs d’entre eux, comme c’était le cas d’Abou Anas, sont rentrés en Libye pendant l’insurrection de 2011.
« Leur engagement au côté des rebelles libyens leur a permis de se faire connaître, d’amasser un arsenal militaire redoutable et de former des milices qui ont gagné en influence en particulier dans l’est du pays », commente un expert libyen. « Certains y ont établi des camps d’entraînement et recrutent des jeunes, libyens et étrangers, en particulier pour les envoyer combattre en Syrie », selon un diplomate en poste à Benghazi (est) s’exprimant sous couvert d’anonymat.
Selon plusieurs experts libyens, « ces groupes islamistes sont devenus tellement importants qu’ils refusent de s’affilier à Al-Qaïda et préfèrent agir seuls sous le commandement de leur propre émir ». Un exemple : le puissant groupe salafiste jihadiste d’Ansar al-Chariaa, très actif dans l’est du pays, et qui est pointé du doigt dans l’attaque du 11 septembre 2012 contre le consulat américain à Benghazi, qui a coûté la vie à l’ambassadeur barbouze Chris Stevens et trois autres Américains. Certains observateurs n’écartent toutefois pas « de possibles contacts entre ces groupes et Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ou les « Signataires par le sang » de Mokhtar Belmokhtar ».
Ainsi, le commando islamiste qui a mené la prise d’otages meurtrière sur le complexe gazier d’In Amenas, dans le sud-est de l’Algérie, avait bénéficié d’une « aide logistique » d’islamistes en Libye. Des experts occidentaux estiment en outre que « plusieurs jihadistes chassés du Mali après l’offensive militaire française ont profité du vide sécuritaire en Libye pour établir une base arrière dans ce pays.
Al-Qaida attend son heure. Les exemples des Shebab en Somalie ou d’Al-Qaida au Yemen démontrent qu’il ne faut pas sous-estimer les héritiers de Ben Laden.
Le gouvernement et les pseudo « ministères de forces » (sic) relèvent d’un compromis boiteux, d’une fiction destinée à empêcher une guerre civile généralisée ou plus prosaïquement à piller le pays en toute impunité. Chaque puissance locale, chaque milice privée, chaque ville autonome y a reçu une part du pouvoir et des prébendes qui vont avec dans le cadre du pillage généralisé de ce qui fut la prospère Jamahiriya.
Quelques exemples :
* Moustapha Nouh, qui a été enlevé ce dimanche à Tripoli, est vice-président des renseignements. Nouh, islamiste radical originaire de la ville de Misrata, y représente la milice locale. La katiba ‘misratiste’ de Ghargour (qui est responsable du massacre de ce 15 novembre), installée depuis septembre 2011 au cœur de Tripoli, y garantit le pouvoir de la milice.
* Le ministre de
* Une ex katiba djihadiste issue de la « milice de Tripoli » – celle-ci malgré son nom fut en fait organisée par les services secrets français en juillet 2011 dans le Djebel Nefoussa à l’Ouest de Tripoli -, la « Cellule des opérations des révolutionnaires de Libye » (sic), dépend officieusement des ministères de l'Intérieur et de
Dans
Après la chute du guide libyen, le gouvernement fantoche pro-occidental « a demandé aux ex-forces rebelles d’assurer le maintien de la sécurité" ( sic) . Cependant, les milices n'ont pas été mises sous contrôle de ‘l'Etat’ , ce qui incite les groupes armés à agir selon leur propre ordre du jour. La fiction du pseudo “état libyen” fantoche, installé à Tripoli par l’OTAN en 2011, se lézarde un peu plus chaque jour !
Luc MICHEL
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Photo : Checkpoint dans les rues de Tripoli, le 8 novembre (Reuters). L’illustration de la faiblesse du gouvernement fantoche libyen. Police civile non armée (comme sous Kadhafi) en uniformes blancs et police militaire (bérets rouges) faiblement armée. Qui ne font pas le poids face aux armes lourdes et aux blindés des milices privées.