par Inanç KUTLU, Secrétaire-général adjoint du PCN
Pour PCN-AMKP / 2012 10 27 /
"La République turque ne veut pas demeurer le pays des cheiks et des derviches, des confraternités et des couvents. Comme ordre, il n'y en a qu'un seul de vrai et de raisonnable — celui de la civilisation", proclamait Atatürk
Près d'un siècle après la Guerre de Libération et la fondation de la République moderne et révolutionnaire turque, le peuple turc se trouve aujourd'hui face à un destin qui se doit d'être à la hauteur de sa résistance héroïque à l'agression impérialiste occidentale : celui de maintenir l'héritage de sa Révolution kémaliste.
De 2000 à 2005 une série de « révolutions de couleur » a installé des régimes pro-américains ou tenté de le faire : Serbie (le coup d’essai réussi) – Belarus (où Lukashenko a arrêté les coups d’état occidentaux) – Géorgie – Ukraine « orangiste » – Kyrgistan …
Depuis 2005, une seconde vague a été tentée et exportée au Proche-Orient et en Amérique Latine : Russie (où Poutine les a stoppées) – Belarus (en permanence) – Moldavie (où elle a échoué mais obligé à de nouvelles élections gagnées par les partis pro Nato). Mais aussi au Venezuela.
Et un peu partout depuis 2011 au Proche-Orient : Egypte, Tunisie, Maroc, Libye – où elle s’est immédiatement transformée en guerre civile -, Yemen, Algérie – où elle a échoué – et Syrie – où elle s’est transformée en guerre civile … mais aussi en Turquie où elle a engendré une guerre entre laïcs républicains kémalistes et islamistes réactionnaires !
MUSTAFA KEMAL ET LA REPUBLIQUE TURQUE
Sous le commandement d'Atatürk, les forces turques ont vaincu les armées arméniennes, françaises et italiennes. Puis elles écrasèrent les armées grecques qui occupaient la ville et la région d’Izmir, la Thrace orientale et des îles de la mer Égée. Après la bataille du Sangarios, la Grande assemblée nationale de Turquie lui donna le titre de "Gazi" (le victorieux). Il parvient à repousser définitivement les armées grecques hors de Turquie. Suite à ses victoires, les forces britanniques se résignèrent à signer un premier armistice et furent exclues du pays. Atatürk et son armée libérèrent alors ce qui restait de l'Empire ottoman après des années de lente agonie, toute l'Anatolie et Istanbul, et fondèrent la République turque moderne, laïque et révolutionnaire.
La Turquie est donc une République constitutionnelle, moderne et laïque, fondée le 29 Octobre 1923 par Mustafa Kemal Atatürk.
Avec l'appui de l'Union Soviétique et de son fondateur le Grand Lénine, il mène héroïquement une guerre de libération face aux impérialistes français, anglais, italien, arméniens et grecs venus se partager ce qui subsistait d'un Empire Ottoman agonisant.
Atatürk fait venir en Turquie un collège de juristes européens et adopte, sur leurs conseils, le Code commercial allemand, le Code pénal italien, et le Code civil suisse (Code napoléonien), avec certaines modifications ou adaptations.
La polygamie est interdite, les hommes et les femmes deviennent égaux en droits, et les citoyens turcs deviennent devant la loi aussi libres qu'un citoyen helvétique.
En 1926, c'est le calendrier musulman qui est remplacé par le calendrier grégorien.
DE L'OMBRE A LA LUMIERE: LE RETOUR DES ISLAMISTES
Défaitistes et irresponsables, les islamo-monarchistes signaient le 10 aout 1920 le Traité de Sèvres imposé par les forces impérialistes sans résistance. Le nouvel Empire ottoman n'aurait plus été qu'un petit territoire de 120 000 kilomètres carrés…
Et une résistance nationale s'organise alors, tantôt ouvertement, tantôt dans l'ombre.
Face à la vision républicaine d'Atatürk, une offensive fomentée par les islamo-monarchistes a lieu lors du Congres de Sivas le 13 Septembre 1919, où est proclamée la volonté de l'indépendance absolue et totale du peuple turc dans un cadre national.
Le sultan tente en vain de mettre fin au congrès en ordonnant au gouverneur de la Malatya, Ali Galib, d'armer des miliciens kurdes et de les faire marcher sur Sivas.
Deux régiments d'infanterie montée du général Békir défont ces milices.
Mustafa Kemal étant à présent fort d'une nouvelle autorité, personne n'ose plus remettre en cause ses décisions.
Le combat pour un retour à la monarchie ottomane et à un mode de vie féodal s'organise dès lors de façon occulte au sein de confréries religieuses farouchement anti-républicaines.
En 2003, avec un appui logistique et financier de Washington, l’AKP, qui est la nouvelle organisation politique des islamistes, prend le pouvoir en Turquie.
« Les minarets sont nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées nos casernes et les croyants nos soldats », proclamait Erdogan, l’actuel premier ministre turc AKP, en 1999.
« Les minarets sont nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées nos casernes et les croyants nos soldats », proclamait Erdogan, l’actuel premier ministre turc AKP, en 1999.
Voilà la vraie nature du premier ministre islamiste turc qui depuis son élection en 2003 mène une contre-révolution en Turquie. C'est sous le masque de "l'islamisme démocrate" que s'opère cette "mission divine" qui consiste à liquider le Kémalisme et son laïcisme inspiré du modèle révolutionnaire jacobin français. Celui de la Grande Nation de 1792-93.
L'armée, premier bastion de la Constitution kémaliste, était la première visée, avec la Justice aussi, par ce que l'on peut considérer comme un grand retour en force des islamistes en Turquie, une revanche pour les néo-ottomans..
En juillet 2010, c'est 196 militaires, dont 30 officiers, qui sont accusés et emprisonnés délibérément pour « complot contre le pouvoir et tentative de coup d'Etat » !
Depuis les Années 20, et l'arrivée au pouvoir de Mustafa Kemal Atatürk face aux impérialistes venus se partager l'Anatolie, avec la collaboration du Sultan ottoman, la dynamique politique turque consiste à un rapport de forces entre les monarchistes islamistes nostalgiques de l'Empire Ottoman et les kémalistes républicains, laïcs et indépendantistes, tournés vers l'Europe.
Cüneyd Zapsu, homme d'affaires, diplomate de l'ombre proche du neocon Paul Wolfowitz et membre du Conseil d'affaires turco-américain ( ATC), est au coeur de la récente unification des confréries religieuses turques au sein de l'AKP créé pour éteindre définitivement la flamme révolutionnaire kémaliste bientôt centenaire. C'est lui qui présentera Erdogan aux officiels américains pour orchestrer la fin de la République.
Avec la participation active des Américains dans ce "putsch silencieux" des islamistes en Turquie, les kémalistes se sentent aujourd'hui trahit par un Occident néocolonialiste soumis aux intérêts américains
Plus qu'une crise politique, économique ou sociale, la Turquie traverse actuellement une grave crise d'identité civilisationnelle.
Le 29 juillet 2011, le chef d’état-major, le général Işık Koşaner, et les généraux commandant l’armée de terre (Erdal Ceylanoğlu), l’aviation (Hasan Aksay) et la marine (Eşref Uğur Yiğit), ont demandé à faire valoir leur droit à la retraite pour démissionner de leur fonction.
C'est cela qui signe la fin de la République Turque laïque et révolutionnaire !
L'OPERATION "ERGENEKON"
Suite à la victoire électorale des islamistes, une “chasse aux sorcières” ne tarde pas à être lancée par des islamistes revanchards: c'est l’opération “Ergenekon” (1) qui a pour objectif de liquider le kémalisme inspiré par la Révolution française jacobine.
L'armée, premier bastion de la Constitution kémaliste, était la première visée par la Justice mise au pas par l’AKP dans ce que l'on peut considérer comme la plus grande offensive des islamistes en Turquie.
En juillet 2010, c'est 196 militaires dont 30 officiers qui sont emprisonnés pour "complot contre le pouvoir et tentative de coup d'Etat."
Plus tard, impuissant, ce sera le chef d’état-major et les généraux des trois armées qui démissionneront pour laisser la place à des militaires proches du pouvoir.
Plus tard, impuissant, ce sera le chef d’état-major et les généraux des trois armées qui démissionneront pour laisser la place à des militaires proches du pouvoir.
Résistant inflexible contre le progrès et anti-européen – car djihadistes au plus profond d’eux-mêmes- les islamistes turcs concrétisent là ce pourquoi il luttent depuis la fondation de la République: le retour au pouvoir de la vieille élite ottomane.
« Nous sommes les nouveaux ottomans et nous avons le devoir d’intervenir dans toute NOTRE région», voilà ce qui résume les pensées du ministre des affaires étrangères Ahmet Davutoglu.
Dans un traité de 600 pages, titré LA PROFONDEUR STRATEGIQUE, il prône dès la fin des années 90 un retour en force des intérêts turco-ottomans dans le Proche-Orient.
Pour préparer tout ça, les islamistes s’étaient fait les champions de l’intégration à l’Union Européenne uniquement pour s'attaquer aux institutions kémalistes – Armée et Justice – en instrumentalisant les principes des « Droits de l’Homme », la grande perdante reste la même: la Grande-Europe.
Elle perd aujourd’hui toute chance de contrôler à court terme le détroit du Bosphore et toute l’Anatolie, territoire hautement stratégique pour une Europe demain politique, indépendante et libérée de l’emprise américaine.
En désaccord avec les « six flèches du kémalisme » – ses principes fondamentaux -, le premier ministre Erdogan conseillé par M. Davutoglu et ayant pour guide Fetullah Gülen – leader de la principale confrérie religieuse turque et qui vît au Etats-Unis- enterre donc ce qui depuis 1923 fut un véritable processus de révolution civilisationnelle pour le peuple turc.
ERDOGAN ET LE "PROJET DE GRAND MOYEN-ORIENT"
« En 1991 commençait une nouvelle ère pour les relations internationales.
La situation mondiale est en effet totalement changée cette année là. L'URSS, le principal challenger de Washington, qui fut aussi, il faut le dire, longtemps son meilleur complice – l’Ordre de Yalta -, a disparu, vaincue par la compétition économique et la course aux armements qu'elle s'était laissée imposées par Washington.
En l'espace de quelques mois, la puissance américaine est devenue l’unique superpuissance mondiale et tente partout d'imposer son "Nouvel Ordre Mondial" (NOM) avec son cortège de guerres et d'inégalités. »
En 2003, c'est sous l'impulsion de Georges Bush et des Neocons que le Pentagone décide de mettre en place volontairement de nouveaux rapports de force en fonction de leurs intérêts, avec l'appui d'idéologues tel que Samuel Huntington et dans la ligne de son ouvrage "Le choc des civilisations" (2).
Le projet du "Grand Moyen-Orient", qui est donc lancé par l'équipe Bush pour redynamiser le développement de la puissance américaine et faire du XXIe siècle un « nouveau siècle américain » (selon le projet global des Neocons), se développe en plusieurs points :
– Créer plusieurs Etats-tampons pro-américains pour éviter l'accès aux mers des Etats continentaux composant le "Heartland" (coeur du monde) ;
– Affaiblir les nations continentales (et en premier la Russie et l’UE) en les excluant des projets énergétiques futurs ;
– Remodeler toute les nations du Proche-Orient en les morcelant en micro-états, ethniques ou religieux ;
– Ecarter puis éliminer les nations-pilotes du progressisme révolutionnaire arabe (Irak et Syrie Ba’athiste, Jamahiriya libyenne, Algérie post FLN) au profit de l'islamisme radical.
– Réinstaurer sur le long terme l'autorité d'un nouveau califat basé en Turquie (en commençant par écarter puis éliminer le Kémalisme, progressisme révolutionnaire turc).
" Nous sommes à l'avant-garde du projet de Grand Moyen-Orient entrepris par les Américains, nous en sommes le fer de lance" dira le Premier Ministre islamiste turc Erdogan devant l'assemblée turque.
C'est dans cette optique que les Américains appuieront le putsch rampant des islamistes en Turquie contre l'Etat kémaliste.
L'AUTRE TURQUIE, L'EUROPEENNE
La Turquie est une province d'Europe. Istanbul, ville deux fois impériale, est aujourd'hui sous le joug de l'impérialisme américain et de ses projets aventuristes de "Grand Moyen-Orient".
Chaque citoyen Turc à le devoir de reprendre le travail inachevé de Mustafa Kemal Atatürk qui voulait pousser son peuple vers le progrès et dont les desseins consistaient à le porter vers la civilisation, vers sa patrie continentale, la grande Europe Unitaire.
La position géographique de la Turquie détermine un destin géopolitique qui lui est propre: Devenir la porte du Moyen-Orient de l'Europe-puissance, unitaire et socialiste de Brest à Vladivostok et du Québéc au Sahara.
"L'Empire continental européen s'inscrit dans la dimension eurasiatique. Istanbul en est le centre de gravité géographique." disait Jean Thiriart.
L'Europe unitaire sera un Etat transnational où la puissance national-européenne et le socialisme de masse représentent les principes fondamentaux.
Le gouvernement turc doit cesser dès maintenant la collaboration avec l'impérialisme américain, stopper le projet de "Grand Moyen-Orient" initié dès 2003 par l’AKP de Erdogan et intégrer le projet de fondation de la République Européenne.
La Turquie n'est pas encore intégralement ce régime théocratique que rêvent de réinstaurer les confréries religieuses turques au pouvoir, c'est encore la République de Turquie, celle héritée du géant historique Atatürk!
Ou le peuple turc inscrira son destin dès maintenant dans le projet d’une Grande Europe, la "nouvelle Rome", conçue comme un outil de puissance au service d’une vision du Monde, sur des critères géopolitiques et géo-économiques.
Ou la Turquie s'enfoncera dans les sables mouvants de l'Histoire comme tous les petits Etats du continent, impuissants, écrasés sous la botte de l'impérialisme et de son mondialisme "orwelien" mené par Londres et Washington.
La Grande Nation Européenne Unitaire et Socialiste, voilà la seule véritable destinée géopolitique de la République Turque!
Inanç KUTLU
Secrétaire-général adjoint du PCN
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(1) sur Ergenekon lire :
Luc MICHEL, PCN-AMKP / ERGENEKON : REPRESSION CONTRE LES LAIQUES KEMALISTES DANS LA TURQUIE ISLAMISTE DE L’AKP !
(2) Cfr. Luc MICHEL, THEORIES DE L'IMPERIALISME AMERICAIN : LA REPONSE DES PEUPLES
Conférence au 1er "Youth Camp for Green, Peace and Alternative movements"
avec la JAMAHIR SOCIETY / Vienne & le MCR / Libye (Allemagne, Landau, juillet 2001)
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