Conférence de Gilbert NKAMTO
Au FORUM MONDIAL POUR
CARACAS-VENEZUELA 13-15 SEPTEMBRE 2006
CEREDD / Centre Européen de Recherches et d’Etude sur la
Démocratie Directe (Bruxelles)
Le CEREDD republie ici le texte d’une conférence donnée en 2006 au FORUM MONDIAL POUR
Ecrit en 2006, au moment où Chavez entendait développer une voie vénézuelienne pour
(LM pour le CEREDD)
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Introduction
I- Définition et Interprétation problématique des élections
I-1) définition
I-2) Interprétation problématique
II- Ambivalence des élections
II-1) Les forces internes
II-2) Les Forces externes
III- Les élections comme goulot d'étranglement du peuple
IV- L'acte de la légitimité populaire: la démocratie directe
Conclusions
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INTRODUCTION
Assurément, le monde actuellement fonctionne dans un paramètre considéré comme global où les règles et les normes sociopolitiques semblent être les mêmes partout. Au regard de ce qui se passe sur la planète, nous référant au concept de la démocratie, c'est comme si la démocratie se définit à partir des élections. C'est-à-dire, "élections" équivaut à "démocratie" et qu'il n'y a pas de démocratie sans élections. Le fait fondamental est la manière par laquelle les élections se produisent et comment se jouent les forces en présence. De toute façon, ce qui est important et qui nous intéresse c'est la vertu des élections considérées comme élément essentiel dans un système dit démocratique.
Et nous pouvons nous poser la question de savoir, qu'est-ce que c'est que les élections et comment est-ce qu'on les procède?
Qui sont ceux qui y prennent part?
En quoi les élections profitent-elles au peuple?
Et comment se déroulent les élections dans certains pays dont le cas de l'Afrique centrale?
I- DEFINITION ET INTERPRETATION PROBLEMATIQUE DES ELECTIONS.
I-1) définition
A première vue, les élections consistent à élire par vote une personne, responsable et charismatique, pour administrer ou gérer les affaires d'une communauté sociale ou d'une structure. Dans le domaine politique, les élections consistent à diviser plusieurs candidats qui sont en lutte pour un même poste de responsabilité (président, secrétaire général, député, maire, …) dans l'optique de diriger les affaires publiques.
I-2) Interprétation problématique
Comme présenté ci-haut dans les deux cas, les élections signifient: combat, lutte pour le pouvoir, domination, soumission d'un candidat sur l'autre. Celui qui gagne devient le vainqueur et détient le pouvoir et celui qui perd, se soumet et se retire.
Les élections exhibées par ses précurseurs occidentaux au sein du concert des nations, comme élément majeur dans le processus démocratique, se présentent comme la négation de sa valeur parce qu'elles divisent au lieu de consolider la volonté populaire qui s'exprime dans un cadre global. La démocratie, définie comme système de gouvernement dans lequel le peuple exerce sa pleine souveraineté devient une forme de dictat où le peuple est appelé à dire « oui » ou « non », soit pour placer son pouvoir aux mains d’un tiers (représentant) ou soit retirer sa confiance à ce tiers au détriment d’un autre tiers ; puis se placer en marge de la gestion publique où ce tiers lui dicte une loi qui lui est étrangère. On assiste à une tractation politique (référendum, élections dites communale, législative, présidentielle) sous différents parapluies mais en fait qui ne désigne qu’une même chose.
Et encore plus loin, la codification des élections en pourcentages des résultats montre qu'avec la multitude des candidats, le peuple se divise dans la désignation de son candidat. Le peuple, qui est un appareil social compacte, s'altère pendant une consultation électorale. Ce que le leader de la révolution libyenne appelle l'imposture démocratique. L'élection des candidats à 50%, 30%, 5% montre évidemment que le peuple est divisé par rapport au choix de ses candidats en course. Et que la victoire de celui qui détient le plus grand nombre de pourcentage des résultats, qui se présente comme le vainqueur se transformera en une dictature sur les vaincus, ce qui s'étendra aussi au niveau de la population. Finalement, pourquoi les élections si le peuple est souverain, si le peuple détient le pouvoir et peut s'autodiriger sans représentation …
II- AMBIVALENCE DES ELECTIONS
Dans le concept démocratique, on dit que les élections désignent des personnes qui méritent le soutien du peuple tout entier; lequel peuple mandate ou délègue ses pouvoirs à des représentants qui doivent diriger ses affaires. Cependant, qui sont ceux qui participent dans ces épreuves? Comment elles se déroulent? Et en quoi est-ce que ces élections profitent au peuple?
Nous dirons que les élections et pour le moins les élections présidentielles de nos jours impliquent en premier lieu, des acteurs qui ne sont forcement pas des politiciens mais qui appartiennent à des classes sociales dites riches (industriels, banquiers, commerçants, …), moyennes (intellectuels, docteurs, fonctionnaires, étudiants, …), pauvres (paysans, indigènes, …). Ils appartiennent à différentes catégories sociales dont les ambitions ne sont pas les mêmes; fait de l'inégalité sociale. Devant une telle classification, il se dégage une logique de division sociale qui ne favorise pas un équilibre sociopolitique et par conséquent, ne crée pas un appareil social compact où effectivement, le peuple exprime sa souveraineté. Alors, le peuple par rapport à ce déséquilibre social se divise en groupe d'intérêts dans ce qu'on appelle les partis politiques. La bataille pour le pouvoir pendant les élections mette en relief une confrontation des groupes d'intérêts qui luttent pour parvenir à leurs ambitions partisanes et non pas à celles du peuple entier. Cette bataille pour le pouvoir implique deux types de forces; les forces internes et les forces externes.
II-1) Les forces internes.
Les forces internes se composent des personnes dont les projets se distinguent différemment des unes par rapport aux autres et dont la finalité, est d'assurer comme ils le disent, le bien-être du peuple. Ils se regroupent en groupes d'intérêts c'est-à-dire dans des partis politiques pour défendre leurs ambitions politiques, leurs projets de société qui, dans la plupart des cas, ne matérialisent pas la volonté exprimée par le peuple mais identifient la volonté des groupes d'individus qui défendent leurs intérêts.
En effet, la confrontation dans les projets devient dans certains cas une confrontation dite individualiste c'est-à-dire, entre des personnes qui se positionnent pour un même poste. Ce qui crée dans la société, des groupes d'intérêts qui se partagent soit la même idéologie, soit le même projet de société ou soit la même aspiration et qui au final, se résolvent à défendre une idéologie, un projet ou une aspiration qui n'a aucune relation avec la demande du peuple en général.
La conjonction des crises qui naissent du conflit pour le pouvoir entre les groupes d'intérêts se présente dans certaines mesures (comme dans le cas des pays de l'Afrique centrale) sous forme de configuration tribale, amicale ou sectaire bien outillée au sein du parti politique (avec des soutiens des amis, des tribus ou des clans)
Le duel dans les résultats commis au cours des élections prend en otage la société. Ainsi, le peuple se lance dans une guerre de positionnement au cours de laquelle les partisans d'un groupe d'intérêts combattent contre les partisans de l'autre (cas du Congo Kinshasa, élections présidentielles et législatives, juillet 2006 où les défenseurs de Mbemba et de Kabila fils, se réclament conjointement la victoire).
Lorsque pendant les élections, la confrontation se termine de manière pacifique, il faut penser directement que derrière cette attitude, des clauses d'intérêts qui dans la plupart des cas privilégient les membres de chaque groupe d'intérêts qui sont en lutte pour le pouvoir ont été ficelées. Le peuple est absent dans ce jeu (Cas où les partis politiques n'existent que de facette puisqu'en réalité ce sont les petits fils du parti au pouvoir; ceux qui se présentent comme de réels opposants ont été corrompus par le parti-état).
II-2) Les Forces externes
Ce sont des colonisateurs ou impérialistes qui se positionnent derrière ses candidats qui sont en fait des citoyens des pays autrefois conquis et colonisés; ce que j'appelle des ACPN (administrateurs coloniaux à peau noire).
La manifestation de la présence de ces forces externes se dégage sur plusieurs formes:
– derrière les compagnies étrangères (Total Elf, Shell, Coca Cola, Vivendi, etc…), cas du Congo Brazzaville où Elf appuya Denis Sassou Gueso à reprendre le pouvoir contre Pascal Lissouba, président à l'époque démocratiquement élu par le peuple congolais.
– Derrière les bases militaires stationnées dans le pays (une base militaire française, anglaise, belge, américaine, allemande, etc…); L'exemple de
– Derrière le financement des élections (Union Européenne, FMI, BM, Centre Jimmy carter, etc…). C'est une réalité incontestable en Afrique en général mais exceptionnelle en Afrique Centrale où au moins 65% de matières premières du monde se retrouvent.
Décryptons cet extrait du quotidien congolais "LE POTENTIEL" daté du 07/09/2006: [
Ceci explique réellement la conquête du monde, d'un pays pour les impérialistes qui imposent les élections, imposent les candidats, imposent les résultats et définissent la politique du monde ou du pays exploité. Mountain le démontre en ajoutant: "j'exhorte les deux candidats à se soumettre au verdict des urnes et à les respecter sans conditions" comme l'explique LE POTENTIEL, c'est dire comme l'Union européenne investit, prête l'argent, le peuple congolais doit accepter et se prosterner après l'ultime annonce des résultats définitifs du second tour des élections; même si les urnes sont bourrées de bulletins de vote comme au premier tour du 30 juillet 2006, s'il y a des fraudes, des tricheries, des tirs, des morts… les congolais doivent fermer la bouche.
De toute manière, ces forces garantissent leurs intérêts dans le pays et ne sont guère là pour soutenir les nationalistes ou les gens qui défendent les causes sociales ou du peuple. Celui qui se présente comme une menace contre ses intérêts ne peut pas aspirer au pouvoir et même s'il gagne les élections, il ne tardera pas à bénéficier des sanctions extérieures.
III- LES ELECTIONS COMME GOULOT D'ETRANGLEMENT DU PEUPLE.
Le danger des élections, c'est son usage obligatoire qu'imposent les impérialistes dans le milieu politique parce qu'ils savent que derrière elles, il y a des possibilités infinies d'infiltration, de diversion du peuple, d'orchestration de troubles sociaux pour se maintenir dans le pays. Ils les imposent à travers l'octroi de financement, à travers les structures d'étranglement que sont l'Organisation des nations unies,
Comment imaginer qu'un peuple qui manque à manger, qui manque où vivre, qui ne se suffit même pas… qui manque de l'argent pour satisfaire les exigences publiques (salaires des fonctionnaires, infrastructures publiques, centres médicaux, centre de communication, etc. …), qui vit en dessous/de la pauvreté… peut organiser une élection avec un budget qui dépasse à trois, quatre… dix fois le budget global du pays? Qui finance le budget des élections? Et pour quelle finalité?
En effet, celui qui finance pose sa condition, ça c'est la règle naturelle des dons. C'est la méthode des impérialistes (capitalistes). Fortifier sa puissance sur le terrain, crucifier le peuple indigène, confisquer ses richesses, l'obliger à rembourser une dette qu'il n'a pas contractée de son plein gré, constitue une violation de la dignité et de l'intégrité historique d'une nation.
L'Afrique centrale, zone de suprématie française et belge a été au cours des décennies, un terrain de pratique des élections sans élections, où les protégés du colonisateur dirigent le pays sans crainte d'un petit respect de droits humains, allant d’élections en élections et gagnant l’une après l’autre même lorsqu'ils ont ouvertement perdu dans les urnes.
Régulièrement, les colons ou impérialistes (français, belges, anglais, américains, etc…) profitent de cette opportunité pour manipuler la tendance de l'opinion publique et financer des groupes d'intérêt qui s'affrontent les uns contre les autres.
Ainsi, les élections comme un jeu prouvent aux yeux de la communauté internationale que la démocratie existe dans le pays et fonctionne à merveille. On peut vérifier cette analyse en nous referant à tout ce qui se passe en Afrique centrale (Congo Démocratique, Cameroun, Gabon, Centrafrique, Tchad, Guinée Equatoriale) où la plus grande partie des mêmes leaders depuis les années 90, qui se sont faits embarquer avec le vent de la démocratie occidentale, continuent à roter au pouvoir, gagnant d'élections en élections quoique, le peuple ne leur donne plus aucune considération effective. Ils protégent les sociétés, les compagnies, les industries et les affaires de impérialistes. Et comme bon cadeau, ces derniers leur présentent au monde entier comme les symboles de démocrates.
IV- L'ACTE DE
La démocratie représentative (occidentale) se présente, de nos jours, comme dépassée puisqu'elle appartenait à une époque qui sortait du règne de la dictature et où forcement, le roi ou monarque devait partager la direction des affaires publiques avec un groupe de personnes (le gouvernement). Ce fut l'avènement de
En effet, ce qui nous intéresse ici, ce n'est pas une critique du système représentatif sinon des élections mais nous ne pouvons parler de l'un et laisser l'autre puisqu'ils vont conjointement.
Si le peuple doit élire ses représentants et abandonner son pouvoir entre leurs mains, ceci montre en réalité que ce même peuple ne détient aucun pouvoir de légitimité ni de la gestion de ses affaires.
La légitimité populaire ne s'exprime seulement que dans les congrès et les comités populaires de base.
Ici, tout le peuple participe de manière directe dans la gestion des affaires publiques sans représentation, ni intermédiaire ni hiérarchie. Il s'organise dans les congrès populaires pour traiter et décide des problèmes inhérents à leur vie sociale, économique, politique et des affaires extérieures. Il met sur pied les comités populaires chargés d'exécuter les décisions prises pendant les sessions des congrès populaires de base.
Il n'y a pas d'élection pour participer dans les congres populaires. Pas d'élections pour participer dans les comités exécutifs. Tous les membres de la société participent directement et sans représentation dans les congrès et les comités de base. Ainsi se développe la vie et l'avancée historiques du peuple qui ne souffre pas d'un étouffement ni de l'intérieur (partis politiques, gouvernement, assemblée parlementaire, …) ni de l'extérieur (prêts, aides empoisonnées des impérialistes).
CONCLUSIONS
Les élections ont peut-être une raison d'être dans le monde occidental mais la grève sociale qui s'agite un peu partout de l'Europe en Amérique du nord après les élections démontre effectivement que sa raison n'existe encore que dans l'éthique démocratique des deux siècles précédents.
Et en ce qui concerne les pays du tiers-monde ou de l'Afrique et précisément de l'Afrique centrale, les élections servent seulement à élire le pays impérialiste qui devra contrôler les matières premières, les eaux territoriales et étrangler la population locale. Sinon qu'en réalité, les élections ne servent à rien. Elles maintiennent les peuples sous la pauvreté, ouvrent le territoire national aux maladies comme le SIDA, la guerre civile, le génocide et offrent l'occasion aux impérialistes d'installer leurs bases militaires et contrôler la stratégie de l'émancipation de la population.
S'il y a une alternative pour les pays du tiers-monde, c'est l'émancipation populaire et ceci n'est possible que si les ennemies de la liberté et des peuples sont mis en dehors des territoires. Ca demande aussi que ces parties du monde dominent l'éducation sociale et scolaire pour comprendre la réalité qui s'occulte derrière elles et qu'elles s'apprêtent pour une révolution comme celle de Cuba, de
Gilbert NKAMTO (*)
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(*) Gilbert Nkamto est camerounais d’origine. C’est un panafricaniste convaincu qui a fait ses preuves au sein du MDPR (Mouvement démocratique panafricain pour la renaissance dont il est le président-fondateur) ainsi qu’au sein de
Il a une large expérience en politique, en diplomatie et en relations internationales. Ses différentes interventions à des hauts niveaux lors des grands fora à Addis-Abeba au siège de l’Union africaine, à Caracas et dans de nombreux pays africains, ont été remarquées.
Correspondant du CEREDD à Tripoli de 2002 à 2011.
Aujourd’hui, il est l’Administrateur de la branche Afrique d’EODE, EODE Zone Afrique (basée au Cameroun).
Photo : Gilbert NKAMTO à un Forum international sur