# LUC MICHEL’S GEOPOLITICAL DAILY/ PRESS REVIEW/ CONVOY, LA NOUVELLE SOCIETE PARAMILITAIRE RUSSE

LM.GEOPOL - V-2023 CONVOY (2023 04 24)

Karel Huybrechts pour
Le Quotidien géopolitique – Geopolitical Daily/
de LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ)/
2023 04 24/ Série V/

Une nouvelle société militaire privée a vu le jour en Crimée, à la fin de l’année 2022, dans un contexte de frictions entre Prigojine et le ministère russe de la Défense. Alliée ou concurrente de Wagner ?

«Tu ne sais pas faire : on va t’apprendre». Mi-novembre dernier, une chaîne Telegram en russe baptisée «Convoy», partageait deux visuels qui s’apparentent à une campagne de recrutement. «La SMP (société militaire privée) Convoy forme une compagnie cosaque dans le cadre du régiment des volontaires», indique le texte. Après Wagner, une nouvelle milice semble avoir vu le jour, bâtie pour combattre en Ukraine.

Le 4 avril, dans son bulletin quotidien, le ministère britannique de la Défense confirmait la naissance d’une nouvelle société militaire privée, «parrainée et développée par la Russie». Moscou «voit probablement une utilité dans les SMP engagées en Ukraine

L’ANCIEN BRAS DROIT DE PRIGOJINE AUX COMMANDES

La paternité de ce bataillon de volontaires semble revenir directement à Sergueï Axionov, chef de la République de Crimée depuis son annexion. Le 16 mars dernier, c’est lui qui annonce sur Crimée 24, une chaîne de télévision locale, l’existence d’un «bataillon de reconnaissance et d’assaut de Crimée», baptisé Convoy. C’est également lui qui doit être à l’origine de son financement. Selon les informations de iStories, média russe d’investigation indépendant, l’unité est basée dans le sud de la région de Kherson. Leur principal terrain d’entraînement se situerait près du village de Perevalnoye, en Crimée.

À la tête de cette milice, un certain Mazai. Sous ce nom de guerre mystérieux, se cache en réalité Konstantin Pikalov. Ce haut-gradé russe à la retraite a longtemps été le bras droit d’Evgueni Prigojine, chef de Wagner. Il a notamment beaucoup œuvré en Afrique, où il pourrait être directement impliqué dans plusieurs tentatives de déstabilisation d’États. En Russie, il est répertorié comme le chef de la société cosaque Konvoy et fondateur de la «société de sécurité militaire» du même nom, selon iStories.

Un autre homme semble jouer un rôle important dans l’organigramme de Convoy : Vasily Yashchikov. Bonnet vissé jusqu’aux yeux et longue barbe noire, il apparaît régulièrement sur les vidéos publiées par la milice sur Telegram. D’après iStories, ce combattant aguerri descendrait directement du garde du corps personnel du dernier empereur de Russie, Nicolas II. Est-il à l’origine du nom Convoy ? À l’époque, un convoi impérial composé de Cosaques accompagnait systématiquement le tsar dans ses déplacements.

PETITS EFFECTIFS, MAIS ARSENAL DE POINTE ?

Fidèle à son rôle, la «petite télégraphiste» du Kremlin Olga Kurlaeva a publié en février dernier un reportage sur cette nouvelle unité. «Je n’ai jamais vu une telle fortification : un immeuble entier sous terre», témoignait-elle en décrivant le QG de Convoy. La propagandiste indique également que le bataillon dispose d’équipements lourds, notamment des chars T-80 et T-90. Sur plusieurs vidéos publiées sur Telegram, on aperçoit également des combattants armés de fusils de précision Lobaev, mais aussi de lance-roquettes.

Pour l’heure, Convoy dispose de moins de 500 hommes, loin des 50.000 dont se targue Wagner. On ignore même s’ils ont déjà combattu en Ukraine. Dans un post Telegram daté du 11 janvier, le canal indique que l’unité «sera bientôt déployée sur le front». Surtout, «il y a énormément de SMP en Russie», malgré la loi qui interdit le mercenariat, souligne Peer de Jong, cofondateur de l’Institut Themiis et auteur d’Agir entre les lignes, un livre sur les sociétés militaires privées.

Cette nouvelle venue pèsera-t-elle dans le conflit actuel ? «La problématique de Sergueï Axionov, c’est la Crimée», tempère l’ancien colonel des troupes de marine. Avec Convoy, l’oligarque «veut créer un système qui le protégera» en cas d’attaque ukrainienne sur la Crimée, et qui protégera la péninsule. En résumé, Convoy va veiller aujourd’hui sur Axionov, avant de servir ses intérêts dans le futur. «L’expérience Wagner a donné des ailes à certains oligarques», confie Peer de Jong.

DES TERRES PROMISES EN CRIMEE OU EN ABKHAZIE

Sur ses critères de recrutement, Convoy semble brasser assez large. Pour intégrer l’unité, il faut être un homme de nationalité russe de moins de 60 ans, selon l’annonce traduite du russe par Le Figaro. Il convient aussi d’avoir «une spécialité militaire, n’importe laquelle» et «une expérience dans l’armée est la bienvenue». L’annonce promet en contrepartie «une préparation militaire sous l’égide de chefs expérimentés», «un statut de vétéran des opérations militaires» et les avantages qui en découlent, une «assurance vie et santé» et une «allocation financière mensuelle».

Selon un ancien membre de la milice interrogé par iStories, les combattants sont rémunérés à hauteur de 200.000 roubles mensuels, soit un peu plus de 2200 euros. En outre, Convoy propose un contrat d’une durée de trois à six mois, signé à la fois avec la milice et avec le ministère russe de la Défense. Pour tout combattant ayant servi pendant un an au sein de la SMP, il est même promis des terres en Crimée ou en Abkhazie, région qui a déclaré son indépendance de la Géorgie en 1992.

L’OCCIDENT COMME ENNEMI

Mais selon le canal Telegram de la société, «les membres de Convoy ne sont pas motivés par l’argent, mais par une composante idéologique». Leur cible est clairement identifiée : «Nous savons que notre ennemi n’est pas l’armée ukrainienne, mais l’Otan». Et plus largement, l’Occident dans sa globalité. «Regardez ce qui se passe aux portes de l’empire : profanation des sanctuaires, destruction des monuments, substitution de l’Histoire, propagande de la sodomie et du genre au niveau de l’État, idéalisation des criminels nazis…», énumère la chaîne.

Outre de la propagande pure pour ses capacités militaires, Convoy s’acharne à souligner toutes les «tares» des pays occidentaux qu’il faudrait combattre comme des «soldats du Christ» en mission pour une «Russie orthodoxe forte», usant et abusant du lexique religieux. Ils relaient ainsi une vidéo de drogués errant dans les rues aux États-Unis, les comparant à des «zombies».

Luc MICHEL (Люк МИШЕЛЬ)

* Avec le Géopoliticien de l’Axe Eurasie-Afrique :
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